“Ne laissez rien s’amortir en vous!” conseille le poète. Et comme les consécrations ressemblent à des embaumements, je leur préfére les lieux qui me surprennent, éloignés des grandes allées. Oxymore semble avoir élu domicile comme par effraction, rue des Petites-Écuries, un tout petit pas de porte a ainsi accueilli un ensemble de manifestations qui au fil du temps se sont imposees, souvant sans ostentation, mais avec vivacité.
Giacometti lui a consacré une de ses scupltures les plus célébres. Lou Reed l’a chanté. Le pas de l’homme s’associe toujours à la gravité et à la légèreté. La très belle série de dessins, aujourd’hui, présentés renoue avec cette évocation. Écriture et dessin se frôlent, il en va du sens et du corps, de la lisibilité à la visibilité, du jour et de la nuit.
Du passage sans passé
Cet homme marchant, nous ne le verrons pas au travers d’une quelconque représentation. L’œuvre n’est pas littérale mais délibérément plastique. Chaque dessin prend vie, comme chaque texte écrit minisculement à même le mur, selon les pas du visiteur, cet homme marchant en effet, Anthony Hōete nous le précise: c’est nous. Nous sans passé, dans ce présent qui s’écroule à l’infini.
Les écritures ici se mélent, on suit les incisions du trait sur la feuille qui noircit, ou encore les effleurements de la gomme qui efface, réinterprète le temps. On peut ainsi lire, près d’un dessin comme sorti du sommeil: “La pluie frappe le fenêtre et forme des courants qui courent sur la vitre; l’homme marchant vers la fenêtre pour s’assurer qu’elle est bien fermée car il craint que la surface du dessign soit déformée non pas par la représentation mais par l’eau”.
Chaque pas nous conduit vers nouvelles versions d’un geste. Avec cette expostion , l’œil et le corps inventent de nouveaux chemins. A vivre sans retard.
“Don’t let anything die in you!” advises the poet. When looking for the remains of artistic endeavour, I always prefer places that surprise me, far from the lights of the main avenues. At Rue des Petites- Stables (Nantes, France), Galerie Oxymore seems to have taken up residence as if through break-in. From a small doorstep, they have hosted a series of exhibitions, which over time have magnified their reputation. Exhibitions without ostentation, yet always with vivacity.
Giacometti dedicated one of his most famous sculptures to the Walking Man. Lou Reed sang about walking on the wild side. The human step is always associated with gravity and lightness. With this Oxymore exhibition, The Walking Man, we have a very beautiful series of architectural drawings which reconnect with this evocation of weightlessness. Writing and drawing rub shoulders, it is about meaning and body, from legibility to visibility, passing day to night.
We will not see a man walking in any of these drawings. The work is not literal but deliberately plastic. Each drawing comes to life, like a man walking, according to the visitor’s steps. Like each text which is written, mischievously and minisculely, on the wall. The author – architect Anthony Hōete tells us: that man walking? It is us, the viewers. We without a past, in the present of this exhibition, which collapses into infinity.
The writings mingle. We follow the incisions of a drawn line on a sheet which gather and blacken. The touches of the eraser which remove lines, and reinterpret time. We can thus read, text next to the drawing, as if waking from a slumber: “The rain hits the window and forms currents which run on the glass. The man walks towards the window to ensure that it is properly closed because he fears that the surface of the drawing will be distorted, not by representation, but by water.”
Each drawn step leads us towards a new version of an accumulated gesture. With this exhibition, the eye and the body invent new paths. This is automatic drawing. Representation without delay.
Pierre Gicquel, Ouest France review of L’Homme Marchant x Anthony Hōete, Galerie Oxymore, 23-27e Décembre 1994